Les cycles longs de formation paraissent potentiellement en décalage avec des cycles de mutations sociales, sociétales, technologiques et économiques de plus en plus rapides (apparition de technologies disruptives, entrée en jeu de nouveaux acteurs, etc.), et une exigence de plus en plus pressante de modularité et de flexibilité de la part des étudiants.
Sans cette flexibilité, on pourrait s’interroger quant à la capacité actuelle des organismes de formation traditionnels à être en phase avec la demande à venir : 85% des emplois de 2030 sont encore inconnus aujourd’hui…
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Penser aujourd’hui l’école de demain
C’est donc aujourd’hui qu’il faut penser l’école de demain, une école agile mais surtout une école réactive face aux tendances et signaux faibles qu’elle perçoit. Par exemple, sur le sujet du numérique,74% des Français estiment que la formation permettra de faire face aux changements numériques.
Ces signaux, l’école de demain doit être en mesure de les capter : innovations disruptives, modèles alternatifs, technologies émergentes… Plusieurs écoles ont amorcé ce virage qui se traduit par la création de leur propre incubateur ou de structures analogues qui accompagnent des porteurs de projets innovants, le plus souvent parmi leurs propres étudiants.
A ce titre, la Conférence des Ecoles fait état de 65% d’écoles qui ont développé leur incubateur : Young Entrepreneurship Center de l’ESC Troyes, InsIDE de l’EM Normandie, HEC Incubator, etc.
Toutefois, les synergies croisées - au sein même de l’école, entre l’école et le monde de l’entrepreneuriat, etc. – peinent parfois à voir le jour. Les dynamiques, aussi bien du monde de la formation que celui de l’incubation, restent encore trop silotées dans leur manière d’aborder la problématique de l’innovation. Ce fonctionnement siloté ne suffit pas à faire émerger tout le potentiel d’une collaboration tripartite entre le monde de l’incubation, de la formation et de l’entreprise.
De son côté, le modèle classique de l’incubateur est également de plus en plus interrogé. Après le foisonnement en offres notamment immobilières – destinées le plus souvent à stabiliser un modèle d’exploitation fragilisé par des porteurs de projets encore peu solvables et des frais de structure relativement élevés – le modèle est aujourd’hui appelé à évoluer également. En effet, les porteurs de projets innovants sont de moins en moins enclins à adhérer à une offre packagée de prestations et de s’immobiliser durablement dans un lieu ; ils recherchent au contraire de la modularité et un accompagnement de plus en plus « à la carte », au gré de leurs besoins ponctuels. Cette tendance est l’évolution logique sur ce type de marchés, ultra-compétitifs et de plus en plus matures.
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Vers des structures de formation plus décloisonnées ?
Plus de modularité, plus de flexibilité, plus de « à la carte », … Face à des défis comparables, formation et innovation contiendraient-ils le relais de la croissance l’un de l’autre ?
C’est ce que semblent montrer certaines tendances qui émergent comme le virage stratégique pris par Numa. Partant probablement du même constat de départ, Numa avait en effet pour ambition, lors de sa création, d’ « agiliser » l’organisation des entreprises, des jeunes pousses aux grands groupes en créant un « écosystème mondial de l’innovation », avec une offre de service imprégnée de la logique d’open innovation (notamment conseil) et alliant startups, grandes entreprises, individus, etc. Cité par Les Echos, le directeur des activités d’innovation de Numa Claudio Vandi, disait en 2016 que « l’innovation naît plus d’imprévus que de démarches structurées ». Alors que le modèle s’est progressivement essoufflé (frais de structure importants, ROI plus lent à réaliser sur les startups que prévu, rentabilité insuffisante sur le conseil, etc.), Numa s’est alors tourné vers la formation comme nouveau relais pour son modèle économique. Maddyness rapporte ainsi qu’en 18 mois, la formation est passée de 20% du chiffre d’affaires à 75%, du fait d’une croissance réelle “et pas parce que tout le reste a été coupé”, avec des clients principalement du service public, du CAC 40 et du Next40.
Pourquoi ne pas pousser encore plus loin cette logique et imaginer une structure qui soit un point d’entrée unique aussi bien pour le porteur de projet qui souhaite lancer le scale-up de sa startup, pour l’entreprise qui veut garder une longueur d’avance sur la concurrence ou encore, pour un jeune avec une idée mais qui ne connaît pas assez le secteur pour en valider le potentiel ?
Au lieu de siloter les différentes briques de services, le fonctionnement en plateforme et sur un même lieu totem privilégierait la transversalité et les cycles courts dans les échanges entre les acteurs de différents écosystèmes. L’incubateur permet à l’école de connaître plus tôt et plus rapidement les métiers auxquels elle doit se préparer ; l’entreprise permet à l’incubateur de trouver plus rapidement ses débouchés voire ses investisseurs ; l’école permet à l’entreprise de percevoir les tendances en matière d’innovation et lui fournit une synthèse de bonnes pratiques.
Les complémentarités entre les différents écosystèmes sont d’autant plus fortes qu’elles se positionnent sur une plateforme qui est à la fois un « broker of content » (un « apporteur de connaissance ») et un « broker of network » (un « apporteur de réseau »).
Ouvrir l’école, le monde de l’incubation, et celui de l’entreprise, ce serait fluidifier les itérations entre ces différentes structures et faire qu’elles s’écoutent mutuellement. Un enjeu notamment souligné par Stéphane Rémy, sous-directeur des politiques de formation et du contrôle à la DGEFP, concernant la réforme de la formation professionnelle qui, selon lui, «marque une profonde transformation de la manière de travailler : davantage d’agilité, d’écoute des acteurs et de leurs attentes ».
Il s’agit donc d’offrir aux différents acteurs un lieu privilégié de dialogue entre des structures qui déterminent nos compétences de demain, nos filières d’avenir et qui surfent sur les tendances structurelles de l’économie et du territoire, voire même les anticipent et s’y préparent.
C’est ainsi que nous interprétons par exemple les propositions de la Conférence des Grandes Ecoles qui préconisent notamment aux écoles de se rapprocher davantage de leur territoire en développant « les synergies et des services partagés avec les autres acteurs de l’écosystème » ainsi qu’en renforçant leurs liens « avec les entreprises locales et plus particulièrement les grandes entreprises en démarche d’open innovation ».
En une phrase, le lieu de l’apprentissage – l’école – devient un lieu de projet et d’expérimentation – l’incubateur – et vice versa.
Parmi les synergies qui découlent de cette Ecole innovante de territoire :
- Ancrer davantage les compétences et les métiers sur le territoire
- Raccourcir le cycle d’adéquation entre offre et demande en formation
- Créer les métiers de demain (via les startups)
- Augmenter l’employabilité des étudiants
- Faire bénéficier les startups de l’expertise de grands groupes et d’accès à la commercialisation
Le lieu où se pensent les métiers de demain doit être celui qui forme à ces métiers et également celui qui recrute pour ces métiers. Les synergies en seraient ainsi démultipliées à travers des cycles d’innovation ou l’entreprise, la formation et les projets seraient synchronisés.