Les phénomènes de crise sont toujours difficiles à appréhender, d’une part parce qu’il est complexe de mesurer leurs effets sur un système en particulier, et d’autre part, parce qu’à l’intérieur du système dans lequel se déroule la transition, les éléments constitutifs du système ne présentent pas toujours un caractère uniforme.
La période actuelle nous rappelle avec force la difficulté d’appréhender les conséquences économiques, environnementales et sociétales contribuant à l’émergence de nouvelles dynamiques.
Ces moments de transformation constituent une opportunité de penser à l’après et de réinterroger le rapport de l’homme à l’énergie.
L’équilibre climatique et les enjeux environnementaux reviennent au premier plan de nos préoccupations quotidiennes : comment repenser nos organisations productives via des expérimentations porteuses d’alternatives plus respectueuses de l’environnement ?
On ne peut ignorer les défis posés d’une croissance réellement durable. Les actions de court terme doivent laisser la place à un scénario disruptif et beaucoup plus volontariste. Plusieurs pistes peuvent être évoquées.
Une décentralisation énergétique renforcée, des initiatives venant du terrain
La stratégie d’affranchissement des énergies fossiles mobilise à la fois des actions de sobriété énergétique et une intensification de l’effort de recherche sur des ruptures technologiques. Des initiatives constatées sur de nombreux territoires émergent une véritable dynamique d’institutionnalisation d’un modèle énergétique soutenable.
L’avènement d’un comportement plus vertueux et plus durable des consommateurs va conduire à régionaliser davantage les courants économiques, à encourager l’autonomie énergétique des moyens de production. Face au potentiel de gisements bio énergiques encore largement inexploités, la crise actuelle devrait susciter l’apparition de nouveaux acteurs.
Des initiatives exploitant des technologies innovantes (valorisation des déchets, recyclage des produits en fin de vie, …) à l’échelon local portent une vision d’avenir, notamment par la création de micro-unités de production décentralisées, neutres en carbone.
L’émergence de nouveaux opérateurs locaux d’énergie illustre ces nouvelles approches. Le développement d’énergies renouvelables a permis une nouvelle forme de la gestion énergétique, reposant sur des entreprises fortement autonomes. Les projets combinent des ressources génériques et spécifiques aux territoires, des moyens financiers et humains à différents niveaux d’intervention (local, régional et européen) et une gouvernance mobilisant les acteurs locaux.
La compétitivité et la revalorisation des territoires en sortiront renforcés : relocalisation des activités, division du travail plus proche et plus raisonnable, développement des circuits courts.
Ne peut-on pas imaginer un nouveau pacte productif, associant les intérêts communs des producteurs locaux d’énergie, des industriels mobilisant des technologies innovantes, des citoyens-consommateurs et enfin les pouvoirs publics locaux ?
Des dispositifs de soutien massifs et mieux ciblés
La crise actuelle va sans doute avoir un impact considérable sur les finances publiques. Tous les outils disponibles accompagnant la transition énergétique jusqu’alors seront probablement revus à l’aune des contraintes budgétaires à venir et de l’augmentation de la dette des Etats.
Face aux risques de raréfaction des crédits bancaires, il est souhaitable d’aller plus loin : prendre des mesures incitatives et réfléchir aux outils qui permettront de massivement et rapidement réorienter les flux financiers vers la transition énergétique et la satisfaction de l’intérêt général. A titre d’illustration :
- Multiplier les effets de leviers en favorisant les initiatives locales : accès simplifié au financement obligataire, développement des plateformes de financement participatif, activation de fonds de solidarité ;
- Développer les mécanismes de garanties financières ciblées sur les phases d’amorçage et de croissance des entreprises face aux risques juridiques et aux changements de réglementation ;
- Assouplir les obstacles réglementaires du régime européen des aides d’Etat ;
- Soutenir l’ensemble des acteurs clés dans la relance de l’investissement public et les mécanismes d’appui à la reconversion énergétique des territoires initiés par les mécanismes incitatifs du pacte vert européen.
Les dispositifs d’intervention prévus par le « New Green Deal » sont innovants à plus d’un titre :
- Création d’un nouveau véhicule de financement « Fonds pour une transition juste », combinant des outils d’intervention existants (des fonds de cohésion fléchés, la PAC, …) et le programme InvestEU ;
Conversion de la BEI en banque du Climat : mobilisation de garanties de réduction de risque des projets privés afin d’attirer les investisseurs dans le secteur des énergies renouvelables et des transports ;
- Gouvernance du « Green New Deal » s’appuyant sur un réseau d’institutions financières et publiques locales et associant des groupes de pilotage à l’échelon des régions de l’Union Européenne.
De nouveaux schémas de coopération
Cette crise doit aussi servir à retrouver de la cohérence ainsi que le sens des priorités. Il est essentiel de promouvoir des politiques publiques dépassant nos propres égoïsmes nationaux et locaux, au lieu d’agir sans aucune coordination.
Dans une économie mondialisée, de nombreux défis ne peuvent plus trouver de solutions à l’extérieur des frontières nationales concernant nos choix de production et de consommation.
Au regard de ces enjeux, le modèle de développement linéaire, reposant sur une croissance économique infinie, est de plus en plus questionné.
Les modes de production et de consommation sont en train de se transformer, avec un effet de synergie entre les acteurs sur de nouveaux territoires. L’application des principes de l’économie circulaire est une parfaite illustration de ces pratiques innovantes.
Dès lors, comment imaginer de nouveaux systèmes de relation entre les acteurs publics et privés ? Comment recréer des liens d’appartenance et d’adhésion sur nos territoires ?
Notre avenir s’écrit aujourd’hui dans ce que nous ferons demain de notre capacité à créer de nouvelles proximités. Ces interactions, initiées et pilotées par des acteurs territoriaux, se traduiront par des dynamiques de coopération nouvelles permettant de renforcer l’attractivité et la compétitivité énergétique des territoires.